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je-double
2 janvier 2011

Le silence

pagenas41

Un jour, alors qu’elle l’observait,  il lui avait dit, méprisant : Tu pues le poisson ! Elle lui avait demandé pourquoi il la méprisait mais il ne lui avait jamais plus adressé la parole ; les garçons laissent souvent planer des silences que les filles ne comprennent pas. Pourquoi repensait-elle à cette histoire en marchant vers le cimetière du haut ? Elle y allait au moins une fois par semaine ; les cimetières lui apportaient une paix qu’elle ne trouvait nulle part ailleurs. Après avoir déambulé dans les allées pour caresser le souvenir de ceux qui n’étaient plus, elle était arrivée devant la tombe qu’elle aimait tant, celle où  le laurier avait déposé un linceul vert. C’est là qu’elle vit le corps d’un homme, presque nu, allongé sur les feuilles. Elle le reconnut immédiatement et elle s’approcha pour lui dire que ce n’était vraiment pas un lieu pour jouer les statues. Elle se rendit compte avec stupeur que le corps était immobile et  froid, aussi froid que les poissons qu’elle caressait en cachette sur l’étal de la poissonnerie quand son père ne la regardait pas.
Pourquoi l’avait-on allongé sur cette tombe ? Elle se pencha sur le visage de cire et s’aperçut que son œil gauche était légèrement abîmé, comme si on l’avait frappé avec un objet dur.
Le cimetière était plongé dans la torpeur du petit matin et le soleil - enfin libéré de l’imposant feuillage que deux chênes déployaient au-dessus des tombes - commençait à jouer sur les marbres discrets.
Cette mort  ne l’attristait pas : ce fils de notaire, arrogant, n’avait que ce qu’il méritait !
De son sac en plastique, déposé près de la tombe, elle sortit une truite saumonée dont les couleurs miroitaient étrangement au soleil et elle la plaça  sur le torse du jeune homme. Elle recula pour avoir un plan d’ensemble ; c’était parfait.  Bientôt son corps à lui aussi puerait et il serait bien puni. Puis, comme prise de remord, elle s’agenouilla pieusement près de la tombe et pria dans le silence du matin.
Cinq minutes plus tard, elle poussait la grille rouillée et reprenait le chemin de la ville…

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Commentaires
G
Merci de vos éloges...
M
EH EH et bingo dans le mil :DDD
P
Insolent ? Moi ? Jamais !!! :DDD
M
Allez, au risque de me repêter une fois de plus...<br /> - J ai bien connu le sujet: Les pires insultes, jusqu'à être "répudiée" et...OUI pleuré sur la tombe du tyran...<br /> - Mais ce texte me fait penser surtout à cette tombe du Père Lachaise où un gisant en costume, dont la braguette proéminente de son pantalon est reluisante de milliers de caresses réveillant toutes les convoitises féminines et même masculines ;>)<br /> A cette cette lecture J'ai tout de suite imaginé une belle carpe en décomposition POUHAAAAA!!<br /> Vous me donnez des idées :DD<br /> ...ET BONNE ANNEE a vous Dame ballang<br /> Vos textes sont riches, émouvants si drôles parfois en lecture dont ici, Je vous remercie.<br /> Quant à votre "complice" il sait si bien décerner la subtibilité de vos propos et les enrichir de ses images ... insolites et insolentes. Monique
G
lautre je : merci de votre lecture.<br /> <br /> D. Hasselmann : "les tombes sont des navires échoués"... commencer un texte par cette phrase donnerait certainement un récit poétique.
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