Le voisin
La nuit, parfois, je mens. Je sais que ça peut paraître étrange, mais on ne choisit pas ses symptômes ! Hier, j'ai croisé mon voisin dans les escaliers. Il m'a arrêté pour me dire que je mentais trop fort et il a même ajouté :
- Ce n'est pas de ma faute si les cloisons sont minces.
Je me suis immédiatement sentie mal à l’aise ; de quoi se mêle-t-il ? Et s’il restait des nuits entières l’oreille collée à la cloison ? D’ailleurs, comment peut-il savoir que je mens alors qu’on ne se connaît pas ?
Je suis descendue chez la concierge et sous un prétexte fallacieux je lui ai parlé de mon voisin. Elle m’a dit, énigmatique, que je le connaissais certainement mieux qu’elle et que je n’avais pas besoin de ses confidences !
En rentrant chez moi, j’ai aussitôt collé mon oreille à la cloison et j’ai presque entendu sa respiration de l’autre côté. Ce type a un problème, c’est sûr. Je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit et j’ai fini « A la recherche du temps perdu » qui traînait sur ma table de nuit depuis des siècles.
Ce matin, à 7 heures, j’ai entendu du bruit sur le palier. J’ai regardé à l’œilleton et j’ai vu mon voisin, debout sur mon paillasson. Il a glissé une lettre sous ma porte. Une fois qu’il a été parti, je me suis baissée, je l’ai prise et je l’ai lue. Cette lettre disait :
« Mon amour,
Combien de temps encore allons-nous continuer à nous ignorer ? Je n’en peux plus. Tu m’avais dit qu’après une courte séparation, nous pourrions essayer de revivre ensemble. Ta froideur me fait peur.
Ne crois-tu pas que tu en fais trop ? Ne pourrions-nous pas reparler de nos malentendus ?
Je t’aime toujours,
Pierre »
J’ai lu la lettre trois fois. A quelle autre conclusion arriver sinon celle-ci : ce Pierre est complétement fou. Comment peut-il prétendre me connaître alors que je n’ai fait que le croiser dans l’escalier à plusieurs reprises ? Il faudra que j’en aie le cœur net…