Le secret
« Mon secret c'est que je n'en ai pas », lui avait-elle chuchoté en faisant quelques pas avec lui sur la terrasse illuminée par six guirlandes tendues dans le sens de la largeur. Il lui avait répondu en souriant :
- Alors vous devez être la reine du refoulement !
Elle le regarda attentivement. Son visage était éclairé par le halo des lumières qui clignotaient et on aurait presque dit un saint. C’est sans doute pour cette raison qu’elle ajouta :
- Vous avez raison, on a tous un secret : moi par exemple, j’ai tué ma sœur il y a 15 ans et tout le monde croit que c’était un accident.
Le silence s’installa sous les lumières qui continuaient leur ballet multicolore. Elle conclut insouciante :
- J’espère que je ne vous ai pas gâché votre soirée. De toute façon, c’était il y a longtemps. Maintenant il y a prescription ! On rentre ?
Et ils retournèrent dans la salle de bal. Elle fit signe à une jeune femme rousse qu’elle lui présenta:
- Anne, ma sœur… l’autre, précisa-t-elle.
Il la salua sans mot dire. Anne lui sourit puis se tourna vers sa sœur :
- Pourquoi l’autre ?
- Je lui ai parlé d’Elisabeth.
- Ah, je vois… Donc moi, je suis la survivante, reprit-elle en riant, celle que ma sœur n’a pas encore assassinée. Mais ne croyez surtout pas tout ce qu’elle dit, elle parle plus qu’elle n’agit.
Puis Anne partit au bras d’un jeune homme qui l’invita pour une valse.
Il aurait voulu lui poser des questions, mais il était trop bien élevé pour ça. Et si elle disait la vérité ? Après tout n’y avait-il pas au fond de ses yeux cette folie qu’il voyait parfois chez certains patients ? D’ailleurs, comment avait-il pu oublier qu’elle aussi était sa patiente, depuis la veille…