Les noces noires
Elle était du poisson, lui aussi ; ils décidèrent de se marier. Elle voulait un mariage en noir, lui un mariage en blanc, mais elle n’en démordit pas :
- Du noir, je veux du noir, sinon ce sera sans moi !
Il n’eut pas le choix ; elle savait imposer sa loi.
Dès la nuit de noces, elle vécut son premier deuil : l’orgasme à répétition. Elle le harcela, en vain ; c’était un adepte de l’acte unique. Elle fit contre mauvaise fortune bon cœur mais les veuves du plaisir peuvent-elles être des saintes ?
Une semaine plus tard, elle lui annonça qu’elle avait un amant ; il dut faire le deuil de la fidélité.
Il essaya de la raisonner, pleura, tempêta, mais rien n’y fit. Pour clore le débat elle rétorqua :
- Et si je ne me retenais pas, j’en aurais deux…
Il se tut et broya du noir. Elle lui conseilla le pistil d’autres fleurs, mais il s’y refusa :
- Moi, je t’aime, pleurnicha-t-il.
Elle le laissa dire.
- Mais pour quoi tu t’es mariée avec moi ? Insistait-il.
- Je te croyais plus résistant, fut la seule explication qu’elle trouva.
Son amant, elle n’en parlait jamais ; n’était-ce pas pour cette raison qu’il l’obsédait ? Il se demandait comment ce type pouvait la rassasier. Il voulut en savoir plus mais elle n’en dit que peu :
- Il a tout ce que tu n’as pas !
Désespéré de ne pouvoir la combler, il se mit aux fourneaux. Elle lui en sut gré. Tout ce qui était gras avait sa faveur ; il cuisinait au beurre - qu’il achetait par mottes - et n’avait d’horizon que marmites et cocottes.
Il ne fit pas long feu ; un arrêt cardiaque le terrassa devant la cuisinière. Quant à elle, d’amants en amants et de sexe en sexe, elle en perdit l’appétit…