Le sang
« Quand une étoile saigne, il y a du souci à se faire », c’est ce qu’il lui avait dit, l’air de rien, et à force de mettre le doigt là où ça saignait, il en avait fait une écorchée vive. Pourquoi prenait-il plaisir à la faire souffrir et pourquoi l’acceptait-elle ? Où l’avait-il connue pour se permettre ainsi des prédictions qui défiaient la vie ?
Elle l’avait souvent questionné mais il avait toujours soigneusement évité les réponses ; il ne répondait que par phrases prophétiques qui la renvoyaient à son mystère. Un jour elle saurait.
Un beau matin, alors qu’il se rasait dans la salle de bain, elle lui avait posé une question plus pressante. Il l’avait regardée dans le miroir, le rasoir suspendu, et il avait fait un geste qu’elle n’aurait jamais imaginé possible. Une goutte de sang avait alors perlé de son doigt, puis une autre et encore une autre. Il les avait calmement recueillies dans la paume de sa main et quand il avait jugé la quantité suffisante, il avait trempé son index droit dans le sang et avait écrit sur le miroir, en lettres majuscules : « DANGER ! » ; et son visage s’était fermé au fur et à mesure qu’il traçait les lettres sur le miroir.
Elle avait alors compris que cet homme, qu’elle avait un jour pris pour un ange, pouvait être le diable.
Un jour, sans doute la tuerait-il pour ne pas avoir à se tuer lui-même…