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je-double
30 mai 2010

L'oiseau

oiseau

Quand l’oiseau était arrivé, personne, ou presque, n’y avait pris garde. C’était un oiseau comme les autres, un peu plus grand peut-être, surtout pour un oiseau des villes. Il s’était posé sur la cheminée des voisins, comme si de rien n’était, et il observait tranquillement la famille attablée dans la petite cour intérieure.

La mère avait dit.

- Il est bizarre cet oiseau !

Le père et les deux enfants  avaient continué à manger sans y prêter attention. La mère, elle, n’avait pas quitté l’oiseau des yeux. Les oiseaux l’avaient toujours troublée. Soudain elle cria.

- L’oiseau  a grossi.
- Bon dieu, tu deviens cinglée avec ton oiseau, répondit son mari.
- Regarde, tu verras !

Elle avait raison, l’oiseau avait doublé de volume et maintenant il était perché sur le toit de leur maison. Les enfants le fixaient étonnés.

- On devrait rentrer, dit la mère.

Son mari refusa de céder à la panique, on n’allait tout de même pas se laisser impressionner par un oiseau ;  et il continua à manger comme si de rien n’était. La mère resta silencieuse. Quand elle regarda à nouveau l’oiseau, elle remarqua que son bec s’était transformé en pince, comme si une mutation irréversible s’opérait.

- Je rentre et vous feriez mieux de faire la même chose. Cet oiseau est capable de tout.

Les enfants la suivirent. L’homme, lui, resta dans la cour, il ne serait pas dit qu’il céderait au chantage de l’oiseau. Et il continua  de saucer tranquillement son assiette avec son pain. Soudain, l’oiseau fondit sur la table et la renversa d’un coup d’aile. Le père ne bougea pas de sa chaise. Dans la maison, la mère et les enfants faisaient  des gestes désespérés pour chasser l’oiseau mais celui-ci s’en moquait. Il s’approcha même de la fenêtre en se dandinant sur ses pattes et  donna un terrible coup de bec dans la vitre dont le verre se brisa.

Les enfants coururent s’enfermer dans les toilettes. La femme et l’oiseau, eux, se regardaient comme s’ils s’étaient déjà rencontrés ; n’était-ce pas l’oiseau qui traversait ses rêves et lui disait de la suivre, nuit après nuit ? N’était-ce pas celui qui lui chuchotait que le monde était encore plus vaste que ses rêves ?

Le temps semblait immobile. Elle ouvrit la porte qui donnait sur la cour. Son mari rentra immédiatement  et elle resta seule avec l’oiseau, malgré ses protestations.

-  Ne reste pas dehors ! lui dit-il violemment.
- Je dois lui parler.
- Tu es vraiment cinglée, répondit-il en fermant la porte.

On aurait presque dit que le volatile la regardait avec amour, mais sans doute n’était-ce qu’une impression. Lorsque l’homme colla son visage à la fenêtre l’oiseau s’envolait, et sa femme aussi, accrochée à son cou.

Un an plus tard, l’oiseau  revint d’un battement d’aile. C’était un soir, alors qu’il allait fermer les volets de la chambre de ses enfants. L’oiseau s’approcha de la fenêtre en battant lentement des ailes comme s’il voulait s’arrêter. Sur son dos il y avait une femme. L’homme crut voir le visage de sa femme mais ne s’était-il pas trompé ? Depuis qu’elle était partie ne la voyait-il pas partout alors qu’avant il ne la voyait jamais ? L’oiseau tenait dans son bec une lettre qu’il laissa sur le rebord de la fenêtre. Une fois l’oiseau parti, l’homme prit la lettre et la mit dans un tiroir. Jamais il ne la lut. Sans doute savait-il ce qu’elle contenait…

Aujourd’hui encore, certains enfants disent que l’oiseau traverse leurs rêves. Moi, je ne l’ai jamais vu, mais mes enfants  m’en ont  parlé, c’est un oiseau au bec étrange et aux ailes noires comme l’ébène.  Il paraît que sur le dos de l’oiseau il y a toujours une femme, une femme qui enfouit son visage dans les plumes de l’oiseau comme si elle l’embrassait.

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Commentaires
G
Vous question, construite à partir d'un titre - Où se cache les oiseaux pour mourir, on voit si peu de cadavres ? - Pourrait donner lieu à un joli dialogue.
M
Allez... j'arrive trop tard: Tout est dit et bien dit. Merci a "l'écrivaine" pour cette curieuse histoire. Et a "l'enjoliveur" de ses textes. Bien aimé ce collage.<br /> - J'ai moi aussi un rapport "spécial" avec les oiseaux et une petite phrase me tracasse:<br /> - "Où se cachent les oiseaux pour mourir" on rencontre si peu de "cadavre" ???.<br /> - Moi "bizarre"? vous avez dit "bizarre" :DDD<br /> Monique
G
Non, je ne connais pas ce livre, je vais me renseigner. Sinon l'Anima, l'Animus, j'ai Jung au rez de chaussée (dans la bibli) mais je ne l'ai toujours pas lu.<br /> Merci de votre commentaire. J'ai fait un tour sur votre blog... beaucoup de couleurs, dont le rouge.
P
Tiens tiens... :D Facebook vous a conduit ici :D Merci pour tout ! Et pas de réponses aux questions, c'est trop compliqué :DDD Ma "collaboratrice" saura certainement mieux que moi :D
J
Rêves et cauchemars?<br /> <br /> J'aime ce montage. Irréel et si réel, mythique?<br /> <br /> J'aime cette histoire, comme un arrière goût de déjà entendu ou lu ou vécu... Ce récit me conforte dans l'évidence d'un sixième sens intuitif chez la femme. Connaissez vous la conteuse Clarissa Pinkola Estes? Elle a a écrit un livre : "L'archétype de la femme sauvage" (Femmes qui courent avec les loups).<br /> <br /> " Tu es vraiment cinglée.... dit-il (deux fois).<br /> La 1ère fois, parce qu'elle se méfie de "l'oiseau", la 2ème parce qu'elle ne se méfie plus de "l'oiseau"."<br /> <br /> Vivons-nous dans une même dimension, hommes et femmes?... J'en doute à chaque bougie de plus.<br /> <br /> Balland & Cassagnes?... votre Anima vous inspire?<br /> Vous le laissez vous envahir?<br /> Sourire
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