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je-double
2 décembre 2009

Le principe du plaisir

Je prenais mon plaisir avec application comme une élève soucieuse de bien réciter sa leçon. Tout était réglé comme un cours : les préliminaires «  sortez vos cahiers et posons le matériel sur la table : pantalon, chemisier, slip, soutien-gorge… », l’expérience pratique et pour finir la conclusion, très synthétique, c’est à dire, éjaculation point à la ligne. Vous faites une drôle de tête, ça vous choque ?
Et quand je dis que je prenais mon plaisir, c’est inexact, j’oublie l’essentiel, je faisais semblant de prendre mon plaisir. Je ponctuais toujours ses performances de petits cris semi-extatiques qui l’excitaient et finissaient peut-être par m’exciter moi-même, allez savoir… L’être humain est d’une telle complexité.
Je pense que le problème de mon ex-mari, c’est son éducation. Il est beaucoup trop poli. Et je suis intimement persuadée que le sexe ne peut faire bon ménage avec la politesse. A chaque fois qu’il voulait me toucher, il me demandait la permission, ça a fini par me lasser et me retirer toute spontanéité. Il disait par exemple : « Isabelle, est-ce que cela te dérangerait que je mette mon doigt dans ton vagin ? ou « Aurais-tu l’amabilité de me laisser toucher ton clitoris ? ». Il faut que j’ajoute – et c’est important pour comprendre la suite – que ses halètements de bête furieuse et les grossièretés qu’il pouvait éructer lorsqu’il travaillait  mon corps avec acharnement étaient tout à fait aux antipodes de la courtoisie verbale qu’il manifestait par ailleurs. J’avais fini par détester ses lunettes cerclées d’or, sa politesse exquise, sa peau blanche, ses chemises impeccables et son corps faussement malingre qui s’épanchait sur moi chaque semaine.
Avec lui, c’était l’école du sexe avec tout ce qu’auraient d’ennuyeux des cours de sexe dispensés dans un cadre scolaire. Chaque semaine, j’avais droit à une nouvelle position et chaque position était analysée minutieusement. C’est tout juste s’il ne se mettait pas de note. Vous pensez peut-être que j’exagère ou que je mens, mais je vous promets que les choses se passaient ainsi. Il avait un je ne sais quoi d’obsessionnel dans son exploration méthodique et rationnelle du plaisir.
Avec lui, j’ai toujours eu une sainte horreur de l’expression bestiale du sexe. Comment pouvait-il hurler de cette façon lui qui était si poli, si blanc et si parfait hors du lit ; l’été je devais même fermer les fenêtres avant chacun de nos ébats de peur d’affoler nos voisins, un vieux couple si gentil. Heureusement, nous n’avions pas d’enfants.
Comme je vous l’ai dit, je me contentais pour ma part de petits gloussements discrets et réguliers que je devais assimiler, à l’époque, à de pseudo-orgasmes. Quelle naïveté ! Mais comment savoir si on préfère les tomates aux courgettes si on ne goûte jamais aux tomates. Voilà, c’est aussi simple que ça,  j’ai décidé de goûter aux tomates et j’ai fait l’amour avec Paul le jour où nous nous sommes rencontrés.
Paul m’avait pris en stop sur le bord de la route par une journée ensoleillée de juin, ma voiture était tombée en panne du côté de Versailles et je faisais des gestes désespérés aux automobilistes qui passaient. Il a été le premier à s’arrêter. Peut-être qu’inconsciemment j’ai voulu le remercier, mais je ne regrette rien, vraiment. Nous bavardions gaiement dans sa voiture quand il m’a proposé d’aller boire un verre chez ses amis, rue des blancs manteaux, avant de me ramener chez moi. J’ai accepté et voilà ! C’est arrivé dans la cage d’escalier en sortant de chez ses amis, aussi soudainement qu’une envie de faire pipi, entre le premier et le deuxième étage. J’étais coincée contre un mur,  une plinthe meurtrissait la chair de mon dos, Paul s’était placé en contrebas et me soulevait légèrement. Mon pantalon avait glissé sur mes jambes et  l’endroit était sordide mais rien d’autre n’avait d’importance que le va et vient de son sexe en moi. Je n’étais plus moi mais une autre Isabelle. Je m’étonne encore de l’intensité de ce que j’ai ressenti à ce moment là, c’était… comme une explosion atomique intérieure, un Hiroshima sexuel, j’étais haletante, épuisée, je ne comprenais pas  ce qui m’arrivait et Paul a été obligé de me porter jusqu’à la voiture. Il m’a déposée devant chez moi, m’a doucement embrassé avant de partir, et je ne l’ai plus jamais revu. C’était il y a cinq ans. Depuis mon mari m’a quittée. Il a bien fait car je n’aurais jamais eu le courage de le faire moi-même.
Je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça. C’est idiot, on vient juste de se rencontrer, je vous connais à peine. Vous m’avez offert un café à la Coupole, on se promène bras dessus bras dessous au jardin du Luxembourg depuis une heure, la journée est belle, je pourrais vous parler de mille autres choses, de travail, de cinéma ou de littérature, mais je vous entretiens de ma vie sexuelle et pire, je crois que j’y prends plaisir. Vous devez trouver ça un peu… surprenant, gênant peut-être ? J’essaie de me mettre à votre place et  je me demande ce que vous devez penser de moi. Ne vous méprenez surtout pas ! C’est juste que j’aime être avec des hommes que je ne connais pas ; avec eux, je me confie plus facilement, je suis moi-même, je peux  parler de ce que je ressens… Bien sûr que vous pouvez m’embrasser, pourquoi  ne le pourriez-vous pas, c’est idiot ! J’adore être embrassée, surtout par des inconnus. Nous pourrions même… mais je ne sais pas si vous accepteriez, j’ai peur de vous choquer, je ne vous connais pas assez, nous pourrions même passer la soirée ensemble. Vous êtes d’accord ? Parfait, je n’avais justement rien à faire ce soir et j’avais tellement peur de rester seule. Je crois que je supporte de moins en moins  la solitude… Tenez, embrassez-moi encore une fois. Quand je sens votre bouche, j’ai vraiment l’impression d’être vivante, ça peut sembler idiot, mais lorsque vous m’embrassez, vous me ramenez à la vie, un peu comme si vous étiez le prince charmant et moi la Belle au bois dormant. Vous devez me trouver très fleur bleue n’est-ce pas ? Allez-y, j’attends, embrassez-moi…

06_11_09

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Commentaires
L
Extra, ce texte !!! <br /> Mais, dites, cette chose rouge glissée dans le petit slip satiné, est-ce une cravate ?
P
Une tondeuse serait peut-être plus utile :DDD
G
J'essaie de voir si j'en ai un en réserve pour toi...Je vais consulter mes fiches.
C
Pagenas, faîtes attention Danalya va peut être insérer dans le tableau une pince à épiler!
P
Danalyia : Vous êtes d'une perversité fétichiste démoniaque !!! :DDD
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