Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
je-double
16 juillet 2009

La vache

La première fois qu’il  vit la vache, elle ruminait tranquillement dans son pré vert  sans se soucier de lui. La deuxième fois, sans comprendre pourquoi, il s’arrêta devant la barrière et la fixa longuement. La vache leva la tête, le regarda de ses tendres yeux bovins puis recommença à paître. Il en fut très troublé.
Le soir sa femme lui fit remarquer qu’il n’avait pas l’air dans son assiette et il lui répliqua vertement :
- Comment peut-on être dans son assiette en mangeant de la viande de bœuf ?
Elle ne comprit pas l’allusion et continua à mastiquer comme si de rien n’était. Sa femme l’écœurait. Il alla immédiatement  vomir sa côte de bœuf dans les toilettes.
C’est à leur troisième rencontre que leur histoire commença vraiment. Quand il s’arrêta devant la clôture, ce lundi-là, elle ne fit pas juste que le regarder comme la fois précédente, mais hésitante et un peu gauche, elle s’avança vers lui. Sa robe rousse et blanche brillait dans la lumière matinale. Au loin, la mer étalait ses reflets d’argent et le paysage semblait imprégné d’une lumineuse beauté. Il osa tendre sa main vers ses narines frémissantes et il sentit le parfum de son haleine des prés. Comme elle le regardait avec une confiance que jamais personne ne lui avait manifestée,  il se décida à lui déclarer son amour naissant, sans omettre de lui avouer sa condition d’homme marié. Elle hocha la tête compréhensive.
Avec sa femme les choses allaient de mal en pis. Elle ne comprenait ni son obstination à ne plus manger de viande rouge ni ses longues promenades dans la campagne. Lui sentait que cette relation l’éloignait  de sa famille et des autres hommes, mais ce lien ne pouvait désormais plus être rompu.
Une grande partie de ses journées se  passait  dans ce pré en bordure de mer, entre longs monologues et doux regards échangés avec Juliette. Oui,  il l’avait baptisée Juliette – elle n’avait pas voulu lui dire son prénom, par pudeur sûrement. Lorsque sa main s’égarait sur sa peau douce, il ressentait une profonde paix intérieure et sans doute du désir, mais il ne pouvait encore se l’avouer à lui-même.
Son histoire avec Juliette aurait sans doute pu continuer ainsi de longues semaines mais sa femme ne lui en laissa pas le loisir. Un beau matin, elle le suivit et ce qu’elle vit dans ce pré en bordure de mer la terrifia : son mari chevauchait une vache, enlacé à son encolure, en poussant de temps en temps des cris de bête en rut.
Il était certainement devenu fou.

06_07_09

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Merki Danyala ! (même si Picasso va se retourner dans sa tombe... :D)
D
Tes histoires vont de mâle en pis ! <br /> J'ai déjà commenté celle-ci sur Presquevoix...
D
Cette composition me plaît beaucoup ! J'y vois un zeste de "Guernica"- elle est plus "dessinée" que les autres, me semble-t-il et, donc, moins virtuelle. Et aussi, les différentes zones de l'images s'interpénètrent et se fondent plus que dans les autres montages, pour ajouter au mystère. Bravo !
P
Le futur est derrière nous... Futur antérieur donc et postérieur pour la vache et pis merci pour collage quand même un peu lait :D
G
j'aime beaucoup votre photomontage : l'association du corps de la femme et de la vache à travers l'étude, de l'intérieur, des deux "arrière-trains", l'oeil scrutateur qui pourrait être celui du personnage, mais aussi du narrateur, et cette fleur - seule touche un peu colorée fondue dans un océan de teintes sombres - dont les fragiles pétales ne disent rien de bon... No future ?
Publicité